La période 1789-1870 en fut une d'agitation et de changement de régimes. Elle marqua aussi le triomphe de la bourgeoisie, qui s'installait au pouvoir. Cette période d'instabilité commença avec la Révolution. Après la dictature militaire de Napoléon, ce fut le retour à la monarchie qui, cette fois, était établie sur des bases constitutionnelles. Puis ce fut la IIe République, suivie d'une autre dictature avec Napoléon III. La France se stabilisa avec la proclamation de la IIIe République en 1870.
Pendant cette période, l'Angleterre exerça sa  suprématie non seulement en Europe, mais en Asie, au Moyen-Orient et en  Amérique. Ailleurs, on assista à l’expansion de la Russie, à l'indépendance de  la Belgique, de la Grèce (contre les Turcs), de la Bulgarie et de la Serbie,  ainsi qu'à l'unification de l'Italie et à celle de l'Allemagne. Pendant que  l'Amérique se décolonisait, les grandes puissances européennes prirent  possession de l’Afrique.
Par ailleurs, certaines innovations comme les  chemins de fer, la navigation à vapeur, l'électricité, le téléphone, eurent un  effet considérable, soit sur l'unification linguistique à l'intérieur des États,  soit sur la pénétration des langues les unes par les autres. L’amorce de  l'industrialisation et de l'urbanisation eut des conséquences semblables.   
1. La guerre aux patois sous la Révolution  (1789-1799)
À la veille de la Révolution, la France  était encore le pays le plus peuplé d'Europe (26 millions d'habitants) et l'un  des plus riches. Néanmoins, tout ce monde paraissait insatisfait. Les paysans  formaient 80 % de la population et assumaient la plus grande partie des impôts  royaux, sans compter la dîme due à l'Église et les droits seigneuriaux, alors  qu'ils recevaient les revenus les plus faibles. La bourgeoisie détenait à peu  près tout le pouvoir économique, mais elle était tenue à l'écart du pouvoir  politique. Pendant ce temps, la noblesse vivait dans l'oisiveté, et l'Église  possédait 10 % des terres les plus riches du pays.
Dans ces conditions, il  n'est pas étonnant que les révoltes populaires finirent par éclater, d'autant  plus qu'elles avaient été préparées par la classe bourgeoise depuis longtemps.  C'est le peuple qui prit la Bastille le 14 juillet 1783, qui fit exécuter Louis  XVI et, en définitive, qui fit la Révolution, mais c'est la bourgeoisie qui  accapara le pouvoir. La période révolutionnaire mit en valeur le sentiment  national, renforcé par la nécessité de défendre le pays contre les armées  étrangères appelées par les nobles en exil qui n'acceptaient pas leur déchéance. 
Ce mouvement de patriotisme s'étendit aussi au domaine de la langue; pour la  première fois, on associa langue et nation. Désormais, la langue devint une  affaire d'État: il fallait doter d'une langue nationale la «République unie et  indivisible» et élever le niveau des masses par l'instruction ainsi que par la  diffusion du français. Or, l'idée même d'une «République unie et indivisible»,  dont la devise était «Fraternité, Liberté et Égalité pour tous», ne pouvait se  concilier avec le morcellement linguistique et le particularisme des anciennes  provinces. Les révolutionnaires bourgeois y virent même un obstacle à la  propagation de leurs idées; ils déclarèrent la guerre aux patois. Bertrand  Barère, membre du Comité de salut public, déclencha l'offensive en faveur de  l'existence d'une langue nationale:
Dans on rapport «sur les idiomes» qu'il  présenta devant la Convention du 27 janvier 1794, Barère expliqua:
Il  n'était pas le seul dans ce cas. Les membres de la classe dirigeante de la  Révolution étaient nombreux dans ce cas. L'un des plus célèbres d'entre eux fut  certainement l'abbé Henri-Baptiste Grégoire (1750-1831).
L'abbé Grégoire  dénonça la situation linguistique de la France républicaine qui, «avec trente  patois différents», en était encore «à la tour de Babel», alors que, «pour la  liberté», elle forme «l'avant-garde des nations». Il déclara à la Convention:  «Nous n'avons plus de provinces et nous avons trente patois qui en rappellent  les noms.» Avec une sorte d'effarement, l'abbé Grégoire révéla dans son rapport  de juin 1794 qu'on ne parlait «exclusivement» le français que dans «environ 15  départements» (sur 83). Il lui paraissait paradoxal, et pour le moins  insupportable, de constater que moins de trois millions de Français sur 25  parlaient la langue nationale, alors que celle-ci était utilisée et unifiée  «même dans le Canada et sur les bords du Mississipi». Devant le Comité de  l'Instruction publique, l’abbé Grégoire déclara, le 20 septembre 1793:
Un  discours se développa dans lequel le terme langue reste l'apanage exclusif du  français appelé «notre langue». Tout ce qui n'est pas français s'appelle patois  ou idiomes féodaux: ce sont pour Grégoire le breton, le normand, le picard, le  provençal, le gascon, le basque, etc. Il parle même de «l'italien de Corse»  (corse) et de «l’allemand des Haut et Bas-Rhin» (alsacien) qu'il qualifie  d’«idiomes très-dégénérés». Enfin, il signale que «les nègres de nos colonies»  pratiquent «une espèce d’idiome pauvre» qu'il associe à la «la langue franque». 
Dès lors, il devenait nécessaire d'imposer le français par des décrets  rigoureux à travers toute la France. Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838),  l'un des grands hommes politiques de l'époque, proposa qu'il y ait une école  primaire dans chacune des municipalités:
Puis, le décret du 2 Thermidor  :
(Article 1: À compter du jour de la publication de la présente loi, nul  acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la  République, être écrit qu'en langue française.
Article 2: Après le mois  qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun  acte, même sous seing privé, s'il n'est écrit en langue française. 
Article 3: Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du  Gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi,  dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses fonctions, des  procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques  conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le  tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois  d'emprisonnement, et destitué.
Article 4: La même peine aura lieu contre  tout receveur du droit d'enregistrement qui, après le mois de la publication de  la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en  idiomes ou langues autres que le français).
Cette lois sanctionna la terreur  linguistique. À partir de ce moment, les patois locaux furent pourchassés. En  raison de la chute de Robespierre, le décret fut suspendu quelques semaines plus  tard (en septembre), jusqu'à la diffusion d'un nouveau rapport sur cette matière  par des «comités de législation et d'instruction publique».
Jusqu'à ce  moment-là, on ne pouvait affirmer que l’interventionnisme linguistique était  délibérément dirigé contre les langues régionales (patois). Mais dès l’instant  où l’on commença à interdire les autres langues, il allait de soi que ces  dernières en souffriraient, comme le laisse entendre le décret du 30 Vendémiaire  an II (17 novembre 1794): «Dans toutes les parties de la République,  l'instruction ne se fait qu'en langue française.».
2. Les résistances  à la francisation
Mais la «terreur linguistique» ne réussit pas à  détruire la «tour de Babel dialectale». Outre les résistances, la sécularisation  des lieux ecclésiastiques entraîna la disparition de la plupart des écoles alors  que l'État n'avait pas les moyens de les remplacer. L'enseignement du français  demeura une ambition que les petites écoles de village ne purent se permettre de  satisfaire, faute de moyens financiers et faute d'instituteurs.
Même à Paris  les écoles publiques ne fonctionnèrent pas, sinon fort mal, en raison du manque  d'enseignants (salaires trop bas, recrutement déplorable, absence de formation,  etc.). Dans les écoles qui arrivaient à fonctionner, les administrations locales  préférèrent traduire en patois ou en dialecte plutôt que d'utiliser le français;  par souci de réalisme, le système de la traduction se poursuivit tout au long de  la Révolution, même sous la Terreur.
3. Une langue francaise enfin  nationale
Malgré tout, cette période agitée et instable fit  progresser considérablement le français sur le territoire national. Les  nouvelles institutions, plus démocratiques, firent qu'un très grand nombre de  délégués de tous les départements ou divers représentants du peuple se  trouvèrent réunis dans des assemblées délibérantes où le français était la seule  langue utilisée.
Les populations rurales, désireuses de connaître les  événements ainsi que leurs nouveaux droits et devoirs, se familiarisèrent avec  le français. Il s'agissait souvent d'un français assez particulier, mais d'un  français quand même, comme celui de ce paysan: «Depeu la revolutiun, je  commençon de franciller esé bein.» Il faut ajouter aussi que la diffusion des  journaux aidait grandement à répandre la langue nationale jusque dans les  campagnes les plus éloignées.
Une autre cause importante dans la  francisation: la vie des armées. L'enrôlement obligatoire tira les hommes de  toutes les campagnes patoisantes pour les fondre dans des régiments où se  trouvèrent entremêlés divers patois, divers français régionaux et le français  national, la seule langue du commandement. De retour dans leur foyer, les  soldats libérés contribuèrent à l'implantation du français.
En revanche,  lorsque les guerres défensives avec les États voisins devinrent offensives, les  diverses nations étrangères prirent conscience d'elles-mêmes en réaction contre  les invasions françaises. L'Espagne, l'Allemagne et l'Italie luttèrent même  contre la prépondérance du français, dont le caractère prétendument «universel»  devint dès lors fortement contesté. À la fin de la Révolution, la «clientèle du  français» en Europe avait changé: il n'était plus l'apanage de l'aristocratie,  mais du monde scientifique.
Les conséquences de la Révolution sur le  français concernèrent davantage le statut que le code lui-même. La langue fit  désormais partie intégrante du concept d'une nation moderne. L’unité politique  passa par l’unification linguistique. Pour la première fois, l'État français  avait une véritable politique linguistique, mais ces dix années mouvementées de  la Révolution ne suffirent à donner des résultats sérieux.
4. Un  francais bourgeois
Quant au code lui-même du français, il ne changea  pas beaucoup au XVIIIe siècle. Le français populaire ne remplaça pas la langue  aristocratique. Tout vint d'en haut, c'est-à-dire de la bourgeoisie dont la  variété de français n'était pas vraiment très différente de celle de l’Ancien  Régime. La seule influence populaire concernait la prononciation de l'ancienne  diphtongue -oi qui, de wé (dans loi), passa à wa. Par ailleurs, le «tutoiement  révolutionnaire» et le titre égalitariste de citoyen/citoyenne à la place de  monsieur/madame ne persistèrent pas. Cependant, le vocabulaire subit un certain  remue-ménage en raison des nouvelles réalités politiques et sociales. Tout le  vocabulaire politique administratif se modifia avec la disparition des mots  relatifs à l'Ancien Régime et la création de mots nouveaux ou employés avec un  genre nouveau. Mais le français ne fut pas envahi par des mots «populaires».  Après tout, c'est la bourgeoisie qui dirigeait les assemblées délibérantes, qui  orientait les débats, qui alimentait les idées révolutionnaires et qui  contrôlait le pouvoir dont le peuple était écarté.
5. Le retour au  conservatorisme sous Napoléon (1799-1815)
Par le coup d'État du 18  Brumaire, an VIII (9 novembre 1799), Napoléon Bonaparte voulut mettre fin à  l'anarchie et au chaos économique. Son premier souci fut de restaurer l'ordre et  l'autorité. Il y réussit en instaurant une véritable dictature militaire: mise  en place d'une administration extrêmement centralisée et surveillée, censure  vigilante, contrôle de l'opinion publique, police omniprésente, racolage  impitoyable pour le recrutement des armées. En maître autoritaire, Napoléon  redressa la situation financière, stimula l'industrie et améliora les  communications; mais la marche de l'empereur des Français vers l'hégémonie en  Europe tint le pays en état de guerre permanent, jusqu'à la défaite de Waterloo  (1815).
Ce Corse de petite noblesse ne pouvait qu'avoir des visées  conservatrices en matière de langue. De langue maternelle corse, une langue  italienne, Napoléon fit cesser tout effort de propagande en faveur du français.  Par souci d'économie, il abandonna les écoles à l'Église, qui rétablit alors son  latin anachronique. Quelques initiatives furent prises en faveur de  l'enseignement du français, mais le bilan resta négatif: le nombre d'écoles  demeura inférieur aux besoins et la pénurie de maîtres qualifiés laissa  l'enseignement de la langue déficient. Dans l'ensemble, la diffusion du français  dans les écoles accusa même un recul. Dans le sud de la France, on comptait plus  de maîtres de latin que de maîtres de français.
Comme au Grand Siècle, l'État  créa un certain nombre d'organismes, tous d'inspiration conservatrice, chargés  de veiller sur la langue: l'Institut, le Conseil grammatical, l'Athénée de la  langue française, etc. Ce fut le retour au classicisme louis-quatorzien: le  français devait être fixé de façon permanente. La sobriété et la distinction  furent remises à l'honneur; la langue de la science fut l'objet de suspicion et  attira la foudre des censeurs, le vocabulaire technique fut jugé vulgaire. La  vogue fut à la grammaire traditionnelle et à la littérature du Grand Siècle. 
Une telle conjoncture ne favorisa évidemment pas une évolution rapide de la  langue. De fait, on n'enregistra pas de changement linguistique à cette époque,  sauf dans le vocabulaire. Les guerres napoléoniennes favorisèrent les contacts  avec les armées étrangères, ce qui entraîna un certain nombre d'emprunts à  l'anglais.
Malgré le mouvement de conservatisme du Premier Empire, le  français progressa inexorablement; tout d'abord par la très grande  centralisation, ensuite par les guerres qui entraînèrent d'immenses brassages de  population. Dorénavant, la langue française était celle de toute la nation, bien  qu'un bilinguisme patois-français se maintenait.
Hors de France, les  conquêtes impérialistes de Napoléon achevèrent de discréditer le français dans  toutes les cours européennes, et les nationalismes étrangers s'affirmèrent  partout. Le français continua d'être utilisé néanmoins à la cour du tsar de  Russie, dans les traités de paix et dans les milieux scientifiques. En Amérique,  la France perdit deux possessions importantes: Saint-Domingue et surtout la  Louisiane qui, vendue par Napoléon aux États-Unis pour 15 millions de dollars en  1803, représentait un immense territoire (Arkansas, Dakota, Iowa, Kansas,  Missouri, Montana, Nebraska, Oklahoma). De plus, en France même, le pays  rétrécit avec la perte de la Wallonie, de la Lorraine et de l’Alsace. 
6. Conservatorisme et libéralisme (1815-1870)
Cette  période est caractérisée par les conflits entre les forces conservatrices et les  forces libérales. Ces dernières tentaient de s'affranchir des contraintes et  cherchaient le changement; les forces conservatrices, au contraire, tenaient au  statu quo et à leurs privilèges et cédaient alors à l'autoritarisme. À l'exemple  de la vie publique, la langue refléta ces tiraillements: d'un côté, la grammaire  s'alourdit de règles; de l'autre, le vocabulaire et la langue littéraire  s'affranchirent des barrières de l'Ancien Régime.
La Restauration  (1815-1830) ramena une monarchie constitutionnelle non démocratique avec Louis  XVIII (1815-1824) et Charles X (1824-1830). Ce fut le retour à l’Ancien Régime  conservateur et réactionnaire. Le renforcement de la politique réactionnaire et  autoritaire de Charles X causa même sa perte lors de la révolution de 1830. La  bourgeoisie d'affaires libérale porta alors au pouvoir le roi Louis-Philippe  (18301848), un partisan des idées révolutionnaires et du système capitaliste.  Habile, le «roi-citoyen» finit par s'imposer malgré les agitations politiques  entre royalistes de l'Ancien Régime, bonapartistes et républicains.
Sous son  règne, le progrès économique s'accéléra, l’industrialisation se généralisa avec  l'apparition du chemin de fer et des grandes compagnies, le pays retrouva son  prestige avec l'expansion coloniale en Algérie, en Afrique noire et dans le  Pacifique. Cependant, à partir de 1840, le régime devint de plus en plus  conservateur, alors que les mouvements réformistes devinrent plus agressifs;  Guizot, le chef du gouvernement, peu sensibilisé aux idées libérales et  socialistes, pratiqua une politique autoritaire qui déclencha le mouvement  insurrectionnel populaire de 1848. Ce fut la proclamation de la IIe République. 
6.1 Le conservatisme scolaire 
Du côté de la langue,  l'action de l'État refléta les forces contradictoires de l'époque. La création  d'un système d'enseignement primaire d'État (non obligatoire) en 1830 releva  d'un esprit libéral; cet enseignement s'adressait à tous et prescrivait l'usage  de manuels en français (non plus en latin). Cette mesure s'inscrivit dans une  politique générale des nations modernes pour lesquelles l'enseignement de la  langue nationale constituait le ciment de l'unité politique et sociale. En  revanche, la politique des programmes resta foncièrement conservatrice.
Tout  l'enseignement de la langue française reposa obligatoirement sur la grammaire  codifiée par Noël et Chapsal (Grammaire française, 1823) ainsi que sur  l'orthographe de l'Académie. Les élèves apprirent une énumération d'usages  capricieux érigés en règlements qui ne tenaient pas compte des fluctuations  possibles de la langue usuelle et où la minutie des exceptions formait  l'essentiel de l'enseignement grammatical. Comme la connaissance de  l'orthographe était obligatoire pour l'accession à tous les emplois publics,  chacun se soumit. La «bonne orthographe» devint une marque de classe,  c'est-à-dire de distinction sociale. Évidemment, les enfants de la bourgeoisie  réussissaient mieux que ceux de la classe ouvrière, qui montraient des  réticences à adopter une prononciation calquée sur l'orthographe.
Les  nombreuses réformes pour simplifier l'orthographe échouèrent toutes les unes  après les autres. Progressivement, vers 1850, se fixa la norme moderne du  français: la prononciation de la bourgeoisie parisienne s'étendit à toute la  France, expansion facilitée par la centralisation et le développement des  communications (chemin de fer, journaux).
6.2 Le libéralisme  littéraire 
Si les forces conservatrices régnaient dans le domaine  scolaire, la libéralisation gagna la langue littéraire et le vocabulaire de la  langue commune. Contrecoup retardé de la Révolution française, le mouvement  romantique révolutionna la langue littéraire et rompit avec l'humanisme  classique sclérosé. L'autorité en matière de langue devait cesser d'appartenir  uniquement aux grammairiens et être rendue aux écrivains: plus de dogmes, plus  de mots interdits. «Tous les mots sont égaux en droit», de proclamer Victor  Hugo. À la fixité devait se substituer le mouvement; ce fut l'explosion de la  poésie lyrique, sentimentale et pittoresque (Lamartine, Vigny, Hugo, Musset),  l'avènement de la peinture des moeurs dans le roman, avec Hugo, Dumas, Stendhal,  Sand, Balzac, etc., lesquels n'hésitèrent pas à employer la langue populaire et  argotique. La plupart des romans de cette époque furent publiés en feuilletons  dans les journaux et connurent ainsi une énorme diffusion.
Quant à la langue  commune, elle se chargea d'encyclopédisme: les découvertes et les inventions  dans tous les domaines se succédèrent de plus en plus rapidement et mirent en  circulation des mots techniques, voire des systèmes entiers de nomenclature dont  le monde avait besoin.
6.3 L’enrichissement du vocabulaire  
Cette période agitée, constamment partagée entre le conservatisme et  le libéralisme, se poursuivit encore après la révolte populaire de 1848 qui  proclama la IIe République. Celle-ci fut aussitôt noyautée par les éléments les  plus conservateurs de la bourgeoisie. Devant l'incapacité du gouvernement de  maintenir la paix sociale, le président de la République, Louis-Napoléon  Bonaparte (neveu de Napoléon 1er), prépara et réussit un coup d'État (1851), et  se fit nommer empereur des Français (1851) sous le nom de Napoléon III; ce fut  le Second Empire. Se présentant comme le champion du suffrage universel, le  protecteur du monde ouvrier et de la religion, Napoléon III se transforma  rapidement en véritable dictateur: il supprima la liberté de presse, exclut les  opposants régime, exerça une politique extérieure belliqueuse, suscitant ainsi  partout la révolte. Entraîné dans une guerre avec la Prusse, il fut fait  prisonnier à Sedan (1870) et dut abdiquer, tandis que les forces ennemies  marchèrent sur Paris, qui se rendit en 1871. Ce fut la fin du Second Empire et  le début de la IIIe République, qui stabilisa enfin la France.
Quel est le  bilan linguistique de cette époque? Ces deux dernières décennies ont surtout été  bénéfiques pour l’enrichissement du vocabulaire. L'oppression intellectuelle du  Second Empire favorisa un vigoureux brassage idéologique des mouvements  d'opposition; le vocabulaire libéral, socialiste, communiste, voire anarchiste,  gagna la classe ouvrière. Les applications pratiques des découvertes en sciences  naturelles, en physique, en chimie et en médecine apportèrent beaucoup de mots  nouveaux nécessaires à tout le monde. De nouvelles sciences apparurent, avec  leur lexique: l'archéologie, la paléontologie, l’ethnographie, la zoologie, la  linguistique, etc. Les ouvrages de vulgarisation, les journaux, les revues et,  une nouveauté, la publicité, diffusèrent partout les néologismes. Littré et  Larousse consignèrent chacun ces nouveautés dans leur dictionnaire.
À la fin  du Second Empire, le français concernait tout le monde en France. Même si  l'unité linguistique n'était pas encore réalisée complètement, elle était  devenue irréversible et imminente. Phénomène significatif, les patoisants virent  leur parler local envahi par les mots du français moderne. 
 
 

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